Pendant les "sixties", après un bref passage en Amérique du Sud, dans "L'Enfer de Xique-Xique", Maurice Tillieux entraînera ses héros sur les routes de France le temps de trois albums consécutifs, puis les expatriera au Gomen, petit état imaginaire du Golfe Persique("Le Gant àTrois Doigts") , ainsi qu'en Chine, dans une course-poursuite digne du film "Le Salaire de la Peur" ( "Le Chinois à deux roues").
C'est cependant sur le sol français que la série se défend le mieux. Maurice Tillieux n'a pas son pareil pour dépeindre l'atmosphère qui peut régner dans une petite artère de la capitale : le français nonchalant, béret sur la tête, baguette sous le bras, qui arpente le trottoir, l'épicier du coin qui débarque des cageots de sa fourgonnette, le troquet "Chez Henri" qui ouvre ses portes aux habitués... .
De même, lorsque Gil Jourdan voyage sur les routes de province, Maurice Tillieux s'en donne réellement à coeur joie pour nous faire découvrir des endroits pittoresques et des personnages qui le sont tout autant : Labron, le petit port de pêche du Morbihan, le gendarme et sa bouteille de cidre, l'inquiétant Pas-du-Malin, la Prison de Morboeuf ("celle dont on ne s'évade pas"), les Cargos du Crépuscule, Ferjac - le village abandonné -, l'ancien colonial Marc Rouleau, Labarre-Hilaire et son Abbaye des Moines Rouges, le maire Hyacinthe Laplume, l'adjoint Benoît Chassemouche et sa vache,...
Il convient d'ajouter à cette liste les quelques récits plus courts que Tillieux distilla tout au long de la décennie :
Etant fort pris par la rédaction des scénarii pour ses collègues dessinateurs, Maurice Tillieux s'est vu durant cette période dans l'incapacité de s'occuper à plein temps de son personnage vedette. Pour ne pas frustrer ses plus fidèles lecteurs, il écrivit pour combler les vides de plus en plus grands entre chaque apparition de Gil Jourdan des contes mettant en scène ses héros, chacun assorti d'une illustration. Il en existe sept mais cinq sont en réalité de la main de Tillieux. Les deux derniers sont l'oeuvre de lecteurs et je ne les citerai donc pas.
Le début des années soixante voit le développement d'un magazine qui va révolutionner le petit monde de la bande dessinée et joué un rôle de premier plan dans l'émancipation de la génération montante : Pilote.
René Goscinny, Jean-Michel Charlier et Albert Uderzo sont à la base de ce projet. Pour le lancement de leur enfant, ils cherchent des jeunes talents mais aussi des valeurs sûres. Maurice Tillieux fait partie de ce dernier groupe. Pour Pilote, il va dessiner un épisode des aventures du célèbre héros radiophonique Zappy Max intitulé "Ca va bouillir" et ce sur scénario du créateur du personnage St-Julien.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'humour développé dans César n'atteint jamais - alors que c'est le leitmotiv même de la série - les sommets d'hilarité qu'on a pu connaître dans Gil Jourdan.
César, après son long passage dans le Moustique, reviendra au début des années septante dans Spirou sous forme de reprise. Des albums verront même le jour sous le label "César et Ernestine" mais sans vraiment convaincre le grand public.
En tant qu'auteur complet, Maurice Tillieux travailla brièvement sur un nouveau personnage nommé Bob Slide. Agent du F.B.I., que l'on pourrait considéré comme le pendant humoristique de Jess Long (Voir chapître suivant), Bob Slide ne connut que quatre courtes aventures publiées dans les pages de Spirou. L'humour développé est plus proche de la caricature et doit sans doute beaucoup au magazine Pilote et au dessinateur Gotlib par exemple.
Suite à la pénurie de scénaristes valables qui commençait à se faire sentir aux Editions Dupuis, Maurice Tillieux fut pressenti pour tenir la plume pendant que d'autres se chargeaient de dessiner. Ainsi, en 1966, en collaboration avec le dessinateur Francis, il donna jour à la série humoristique "Marc Lebut et son Voisin" dans laquelle les jeux de mots se disputent à l'humour absurde.
Le principe de "Marc Lebut et son Voisin" est simple et rappele, par de nombreuses similitudes, celui de César (certaines scènes sont d'ailleurs communes aux deux bandes). Marc Lebut, en plus d'être l'heureux propriétaire d'une Ford T, est un homme à l'imaginaltion fertile et débordante, ayant une définition toute particulière des bonnes relations de voisinage. Ainsi, il ne cesse par ses excentricités d'empoisonner la vie de son voisin Monsieur Goular, homme caractériellement débonnaire, ne sachant de son propre aveu jamais dire non.
"Marc Lebut et son Voisin" a fait l'objet d'une bonne douzaine d'albums parus chez Dupuis.
Avec la complicité du dessinateur Follet, il lance en 1968 un nouveau personnage original qui cependant ne vivra qu'une seule aventure : Alain Brisant .
Pour terminer ce chapître, il serait bon de noter que Maurice Tillieux rédigea également les scénarii de deux aventures de "La Ribambelle" pour ses amis Roba et Jidéhem. En fait ces deux histoires forment un tout et représentent ce qu'on pourrait appeler un classique bien dans la lignée de l'Editeur Dupuis.
Ce récit est particulier dans l'oeuvre de Maurice Tillieux car il ne ressemble à aucun autre et il reste injustement méconnu malgré ses grandes qualités. Attaché à l'univers maritime, aux marins mais également aux bateaux, Tillieux l'était et c'est sans doute pour se faire plaisir, mais aussi pour faire part de cette passion, qu'il a écrit ce superbe scénario. Le rôle principal, c'est la mer qui le tient. Suivent en arrière-plan les bateaux qui sont les jouets de ses fureurs et les hommes qui tentent en vain parfois de la maîtriser. En mer, il n'y a pas de faux-semblants, tout est bien rél et dangereux. Au fil des pages se dégage une odeur...l'odeur du large.